Commerces : quand les centre-villes d’Agen et Villeneuve font grise-mine

A l’heure où le sort des Galeries Lafayette se décide, l’activité commerciale des centre-villes semblent de plus en plus délicate. En effet, entre des bâtis qui ne suivent plus, la concurrence des zones commerciales mais aussi les modes de consommation qui changent, quel avenir pour les coeurs de ville qui voient les fermetures d'enseignes se succéder ?

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Du Pareil au Même, Burton of London, Camaïeu mais aussi des difficultés chez Pimkie, Jennyfer, IKKS… Le prochain tour serait-il celui des Galeries Lafayette à Agen ? Installé historiquement sur le boulevard de la République, anciennement sous le nom des Nouvelles Galeries, ce magasin emblématique est un morceau d’histoire du commerce agenais.
L’enseigne, née en 1897 sous l’appellation Société française des grands bazars et nouvelles galeries réunis, puis devenue les Galeries Lafayette en 2008, avec 22 magasins du groupe rachetés en 2018 par le bordelais Michel Ohayon. Quatre autres ont été acquis en 2021 par d’autres entités. Le 22 février 2023, Michel Ohayon place 26 magasins, sous l’étiquette Hermione Retail, en procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Bordeaux. La période d’observation a finalement été prolongée jusqu’au 21 février 2024 pour 25 d’entre eux tandis que Pau a déjà baissé le rideau. C’est donc aujourd’hui que sera rendu le verdict concernant l’avenir de ces magasins. Et même les employé(e)s ignorent encore à quelle sauce ils vont être mangés.

Salariée depuis plus de 20 ans aux Galeries Lafayette d’Agen, cette employée du magasin d’Agen n’a eu pour l’instant aucune autre information que celle de la décision du plan de sauvegarde qui aura lieu le 21 février à Bordeaux. « On ne sait rien, on est dans le flou, la direction nous donnera le résultat en même temps que tout le monde », se désole-t-elle.

L’arrêt brutal d’une locomotive commerciale à Agen

Cette fermeture n’augurerait rien de bon pour le centre-ville agenais. Alors que la mairie accordait, en dernier conseil municipal, une enveloppe de 75 000€ pour « redynamiser » le centre-ville, le tombé de rideau des Galeries serait un coup dur à cette opération, semble-t-il minime pour un boulevard tout entier. « La deuxième partie du boulevard est déjà peu attractive », analyse Michel, un passant interrogé sur la possible fermeture. « Si les Galeries ferment, en plus d’être assez triste étant donné l’aspect historique du magasin, ça va faire une vitrine vide de plus de ce côté-là. À mon sens, on se retrouve de plus en plus dans la sinistrose dans le centre-ville. » Même constat pour Emma, étudiante de 26 ans. « Je ne suis pas cliente des Galeries mais bon, je trouve ça dommage si ça ferme. Quand on regarde, sur la place des Laitiers, c’est déjà à moitié fermé à cause des immeubles, Carnot, à part H&M et les agences immobilières, y’a pas grand-chose… Franchement, je comprends pourquoi on va de plus en plus à O’Green. »

Du côté des commerçants aussi, une fermeture ne serait pas sans impact. Si la librairie Martin-Delbert reste elle aussi une véritable locomotive, ne désemplissant pas et attirant toujours la clientèle tant pour l’amour du lieu que celui du livre, elle fera bientôt figure de dernier dinosaure. « Déjà, quand ils ont enlevé Sandro, le boulevard s’est vidé. Donc, fermer les Galeries, un lieu mythique d’Agen, c’est quand même dommage. Quand on passe devant, c’est imposant, ce sont les Galeries, donc je pense que cela va affecter les commerçants et le cœur de la ville », analyse Jodie Brooks, vendeuse dans la bijouterie Turquoise. « Cela risque d’affecter le nombre de passants dans le centre-ville. Quand on passe et qu’on voit un grand magasin comme ça fermé, ça ne donne pas envie de se promener. » Même constat du côté de la boutique Palomino. « Ça va être difficile, c’est quand même le cœur d’Agen, ça nous ramène du monde en centre-ville donc ça va être difficile et surtout il va y avoir un énorme bâtiment vide », regrette Carla. Pour Pauline, du Vestiaire de Pauline, c’est un pan de l’histoire commerciale agenaise qui risque de disparaître : « Le centre-ville est vraiment triste. En tant que commerçante, c’est difficile de le voir évoluer comme ça. Je suis Agenaise, née à Agen, et là, le centre-ville est clairement en train de mourir. »

Des fermetures en série

Il faut dire que c’est un mauvais moment pour certaines franchises tandis que d’autres préfèrent s’exporter sur les zones commerciales. Plus de stationnement, plus d’espace de vente… Des attraits qui continuent de pousser à la désertification des centres-villes, notamment par les grandes enseignes. « Il y a de plus en plus de commerces de bouche et de moins en moins de prêt-à-porter », nous explique cette ancienne commerçante. « Il faut dire que les modes de consommation ont changé. En plus de l’inflation, on est constamment confronté à des opérations comme le Black Friday, les sites réservés aux ventes privées, l’attrait pour le « cheap » (des vêtements produits en masse et de mauvaise qualité, NDLR). Quand on voit que même La Poste, rendez-vous compte, La Poste, lance ses cabines d’essayage pour essayer et renvoyer directement, comment voulez-vous que ça continue ?

*A l’heure où nous écrivons ces lignes, le sort des Galeries Lafayette, et donc, celui d’Agen, n’est pas encore connu. La décision finale sera annoncée en audience ce mercredi au tribunal de commerce de Bordeaux. Pour en être informé, restez connectés sur notre site web et réseaux sociaux où nous vous communiquerons l’information.

A Villeneuve, la pluie avant le beau temps

Dans la Bastide, le sujet de la désertification commerciale n’est pas nouveau, c’est même un combat quasi-quotidien depuis plusieurs années pour la municipalité en place et les managers de commerce qui se sont succédés. « Le problème d’une ville comme Villeneuve, c’est que l’on a laissé à l’abandon ses immeubles pendant beaucoup trop d’années. C’est pour cela que le centre-ville était aussi désert, parce que personne n’avait pris le sujet d’urbanisme à bras le corps jusqu’à aujourd’hui. En étant dans une bastide, on a des freins liés à l’architecture des bâtiments, ce qui n’arrange pas les dossiers. Si on ne s’y prend pas une bonne fois pour toutes, on ne pourra jamais espérer le retour des magasins », confiait il y a quelques semaines dans nos colonnes Arnaud Mazard, manager de commerce du Grand Villeneuvois. Mais en attendant que le volet commercial de la ville reprenne la pente ascendante, il faut déplorer les départs d’enseignes qui se sont enchaînés ces derniers mois.

La série noire du textile

En l’espace de quelques jours dans le courant du mois de décembre, la rue de Paris a dit au revoir à Devred et Jennyfer, deux franchises de poids qui avaient fait leur marque en centre-ville. La crise de l’industrie textile a eu raison des deux établissements de prêt-à-porter à Villeneuve qui se sont vus fermer sur décision des marques. Côté Devred, le magasin villeneuvois, bien qu’installé depuis 2009, a subi le revirement stratégique de la marque, l’obligeant à mettre la clé sous la porte. Pour Jennyfer, cela fait déjà plusieurs mois que l’enseigne nationale est en redressement judiciaire, causant la fermeture de plusieurs de ses établissements franchisés comme à Villeneuve-sur-Lot. Et comme parfois, un malheur n’arrive jamais seul, Maryjane Lingerie avait suivi cette vague de fermetures, pour cause de retraite de sa propriétaire, après avoir gérée la boutique durant des décennies.

Si l’on s’attarde sur une période plus large, le magasin Organza a aussi fermé rue Saint-Catherine en fin d’année 2023. En clair, pas une bonne période pour les commerces de textile. Et la dernière déconvenue en date, c’est celle de l’enseigne Burton, placée en liquidation judiciaire la semaine dernière par le tribunal de commerce de Paris. Exit les derniers magasins franchisés, dont celui de Villeneuve, rue de Casseneuil.

Le retour de franchises pour les jeunes en priorité

Un lourd bilan donc pour la ville qui doit rapidement rebondir et trouver des axes de développement nouveaux pour que la vision des artères commerciales petit à petit vidées ne cesse de perdurer. A commencer par le retour progressif des franchises en centre-ville. Il y a quelques semaines, nous vous évoquions les projets d’implantation de Colombus rue Saint-Catherine en lieu et place de La Botte Rouge, et de Adopt Parfums rue de Paris, deux marques qui s’adressent à un jeune public, ciblé aujourd’hui stratégiquement par la municipalité. « L’offre pour les jeunes n’est pas travaillée en centre-ville aujourd’hui, pourtant, cette partie de la population représente 16% des habitants de Villeneuve, analyse le manager de commerce. On n’a que peu de produits leur correspondant, et il faut remettre de la vie en centre-ville. On ramène petit à petit un public plus mature avec les restaurants et il est nécessaire maintenant de s’adresser à tous les publics ». Ainsi, à l’instar de la franchise Darjeliing qui est arrivée à Villeneuve en novembre dernier, la Ville souhaite se relancer via ce type de concept stores, mais cela sera-t-il suffisant ? Seul le temps le sait.

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