A l’affut sur le SUA LG
Marc Giraud. : Je suis le club de loin, puisqu’il y a aujourd’hui beaucoup de membres du staff que j’ai côtoyé, que ce soit de la même génération ou non. Je suis content de l’arrivée de Sébastien Calvet. On le connaissait puisqu’il était avec les jeunes quand j’étais pro à Agen. Je pense que c’est quelqu’un qui s’est aguerri avec les équipes de France de jeunes. Il a eu des résultats exceptionnels. C’est un mec qui est d’ici, donc je pense que c’est la bonne pioche. J’ai le sentiment que le SUA est en train de se développer, déjà de par le stade. J’aimerais voir le club suivre le chemin de La Rochelle. On les jouait en 2014, en 2015 et on était d’un niveau similaire. Quand on voit le parcours qu’ils ont aujourd’hui, ça donne envie de leur ressembler. Agen et La Rochelle, c’est un peu la même échelle de vie, de stade… Pourquoi pas ?
Son point de vue sur la difficile période que vit le club
M.G. : Il y a des générations, il y a des contextes économiques qui justifient que le projet marche ou non. J’ai eu la chance de visiter le stade Armandie depuis la fin de ses travaux, l’outil est purement exceptionnel donc déjà il y a cet élément matériel qui va leur permettre de franchir une étape rapidement. Les saisons basculent des fois sur un match, sur une pénalité, donc je leur souhaite que ça tourne. Pour ce qui est du début de saison, je les ai trouvé très sérieux contre Provence qui reste un gros morceau à domicile. A voir pour la suite.
La finale 2014/2015 de Pro D2 contre Mont-de-Marsan
Avant le match // M.G. : L’échauffement, les bruits des crampons sont encore là, les odeurs, les mots aussi… Je me souviens d’un discours exceptionnel de Lionel Mazars. Il nous a dit que la défaite aurait été acceptée par tout le monde, mais que nous, nous ne devions pas l’accepter. En deux minutes, le groupe a basculé dans le match et de là, on a senti que ça allait le faire.
La rencontre // M.G. : C’est un match assez fermé. Deux équipes joueuses, mais qui se sont beaucoup protégées sur ce match-là. On a chacun nos périodes de domination. On sentait assez rapidement que tout allait se jouer sur des détails. Le moindre essai pouvait être décisif.
L’essai agenais // M.G. :On avait travaillé toute la semaine sur un joueur en particulier côté montois qui n’avait des faiblesses défensives que sur un côté. Et Burton (Francis) parvient à mettre un crochet à ce joueur-là en début de seconde période. On est aux 40m et il enchaîne avec une fantastique remise intérieure presque à l’aveugle pour Taylor Paris qui n’avait plu qu’à filer à l’en but. En même temps, à cette époque, ils n’étaient pas nombreux à pouvoir le rattraper dans ces conditions.
Le coup de sifflet final // M.G. :C’est un soulagement parce qu’on prend un essai à la 78ème minute de jeu. Heureusement, ils loupent la transformation. On redonne un coup d’envoi très long et je me souviens d’un placage énormissime de Burton Francis, alors que ce n’était clairement pas sa qualité première… On récupère une mêlée grâce à lui. Et c’est Raphaël Lagarde qui dégage en touche pour sceller la victoire. Dans mon souvenir ce coup de pied, c’était une belle saucisse (rires), il devait certainement être stressé. A ce moment-là t’exultes et tu prends une chape de plomb sur toi. A l’époque, le public pouvait envahir le terrain, tu étais immédiatement connecté à la joie des supporters. On n’était pas loin d’Agen. On pouvait rester à Toulouse, communier avec notre public, puis rejoindre le reste des troupes à Agen, c’était exceptionnel.
Son regard sur l’affiche de cette semaine
M.G. : Naturellement, je suis aussi le Stade Montois. Le club vient à mon hôtel pour préparer la vidéo avant le match. Patrick Milhet (le manager) était déjà au club quand j’y jouais, Stéphane Prosper était lui aussi mon entraîneur à l’époque et j’ai partagé le terrain avec d’autres qui sont coachs aujourd’hui. Je dirai que le Stade et le SUA ont une trajectoire similaire. Les villes se ressemblent, leurs stades se développent et ils ont tous les deux aujourd’hui des difficultés à concrétiser leurs ambitions sportives. Ce sont toujours des matchs particuliers entre les deux. C’est un derby pour la suprématie locale. Il ne faut jamais perdre contre les voisins, tout rugbyman le sait. A mon époque j’essayais de l’inculquer à tout le groupe quand on devait se déplacer ici avec Agen. J’ai adoré jouer pour Mont-de-Marsan mais il était de notre devoir de ne leur laisser aucune miette sur le terrain le jour J, encore plus avec des circonstances géographiques comme celles-ci. Je pense qu’encore aujourd’hui, les deux clubs ont cette notion en tête, je ne doute pas que ce sera une belle bataille.
Qui il supportera ?
M.G. : Je crois que je vais supporter le meilleur (rires). Je ne saurai pas dire si une équipe a de l’avance sur l’autre en terme de niveau. Je sais que ce sera une belle bataille et j’en profiterai de manière neutre au stade vendredi.
Insolite // Un sacré multimillionnaire sur Internet
Le 14 décembre 2013, le SUA reçoit les Lyonnais d’un certain Sébastien Chabal à Armandie. Mécontent que Marc Giraud, numéro 8 sur le dos ce soir-là, lui « retienne le bras » à la sortie d’un maul à l’heure de jeu, la légende aux 62 capes avec le XV de France lui envoie son poing droit dans la figure… Résultat, l’Agenais est K.O. Un fait de jeu qu’Internet n’a pas oublié puisque les vues sur cet extrait n’ont cessé de croître sur Youtube au fil des années, accumulant entre les différentes vidéos plus de 10 millions de vues au total. De très loin, Marc Giraud est ainsi l’élément en rapport avec le SUA LG qui a connu le plus grand succès sur Internet, rien que ça. Alors, ça en valait la peine ?
M.G. : Dans un club qui a vu jouer Benazzi, Benetton, Sella… On pourra dire que j’ai réussi marqué à vie le club à ma manière (rires). Je me fais encore chambrer régulièrement pour cette action, mais c’est de bonne guerre. On devait gagner ce match contre Lyon qui était l’ogre de la Pro D2 à l’époque, ils étaient supérieurs à nous donc on avait décidé avant la rencontre de les agresser dans le jeu. On était plusieurs à se charger de les faire sortir de la rencontre. C’était des gestes, des paroles… Je ne sais pas si on peut dire que l’avais mérité, mais je l’avais peut-être cherché ce coup. Ce soir-là, j’ai donné mon corps et on a fini par gagner ce match, donc je ne regrette rien et j’en rigole aujourd’hui. Je peux même dire que sur le coup tu ne sens rien (rires). Le seul élément qui m’avait déçu à l’époque, c’est que la polémique était allée trop loin, compte tenu du fait qu’elle impliquait une légende comme Chabal. Des avocats m’avaient contacté pour savoir si je souhaitais porter plainte, afin d’y récupérer de l’argent, mais pour moi ces faits de jeu faisaient partie du rugby de l’époque, je n’y voyais pas un mal profond à ce moment-là. 99% de ces gestes ne se voient pas et j’ai su en mettre aussi quand il le fallait.
Une autre anecdote à raconter ?
M.G. : Maintenant qu’on me parle de coup, j’en ai un autre qui me revient. La demi-finale de Pro D2 en 2015 contre Perpignan (32-32, victoire d’Agen au nombre d’essais inscrits), j’ai reçu là aussi un sévère poing de la part de David Marty qui venait d’entrer sur la pelouse. Lui aussi c’était un sacré coquin sur le terrain (rires). C’était un grand joueur mais il avait à ce moment-là besoin de faire basculer le match du côté des siens et il voulait nous faire disjoncter. Quand on l’a vu rentrer, avec les gars, on s’était prévenu qu’il allait nous charger. Il a mis des pipes à tout le monde et dans un ruck, je suis entré avec la tête en bon état et j’en suis ressortie avec un œuf à l’oeil gauche. Je ne voyais rien, mon autre œil n’est pas encore habitué, bref… je suis aveuglé sur le terrain. Je suis sortie et Martial Loustau (le docteur du club à l’époque) m’avait collé sur l’oeil une pièce qu’il avait préalablement posé dans la glace. Il avait prévu le coup, c’était fou ! L’oeuf s’est immédiatement résorbé et j’ai pu voir pour la fin du match. Encore une fois, on gagne à la fin, donc est-ce que je n’étais pas porte-bonheur quand j’en prenais une ?
Le petit questionnaire nostalgique //
Quidam Hebdo : Agen ça vous évoque quoi aujourd’hui ?
M.G. : Tout d’abord le stade Armandie, parce que j’y ai vécu d’une certaine manière en y jouant toutes les semaines. Mais je pense aussi au M&Moi, le bar de mon copain Max à côté du marché couvert. On était très proches, c’était notre QG avec les coéquipiers, j’en ai que des bons souvenirs
Q.H. : Des anciens joueurs, entraîneurs avec qui vous avez gardé contact ?
M.G. : Un peu avec tout le monde, de manière spontanée, récemment Mathieu Lamoulie m’a appelé, j’ai aussi eu la visite d’Antoine Erbani. C’est comme ça, on n’a pas besoin, je pense, dans les relations d’hommes de s’appeler trois fois par semaine. Moi je suis très pote avec Lionel Mazars, restaurateur également sur Bayonne. Malheureusement avec ce qui s’est passé autour de la famille du SUA récemment, on a eu des échanges avec des anciens pour essayer d’aider le club. De ce fait, j’ai des contacts réguliers avec le président également, que j’encourage par quelques textos ou appels. Donc oui effectivement on ne s’appelle pas tous les jours mais dès qu’il y a un petit souci ou les Noëls ou les naissances, on se réunit rapidement.
Q.H. : Un joueur qui vous a marqué durant votre passage ?
M.G. : Le premier joueur pour moi, c’est Brice Dulin, qui était jeune à l’époque, qui performe encore énormément aujourd’hui d’ailleurs. Moi, sur le terrain, j’étais placé un peu entre deux rideaux et je le voyais littéralement voler sur ses ballons hauts. Il a un timing, il a une vitesse, une simplicité humaine et une gentillesse qui fait que c’est de lui que je me souviens.
Son quotidien depuis sa retraite du rugby en 2016
M.G. : Il faut tout d’abord savoir que je sors du lycée hôtelier de Toulouse où j’ai eu mes diplômes de cuisinier et mention complémentaire en pâtisserie. C’est toute une formation que j’ai terminée avant d’entamer ma carrière de rugbyman. J’ai même eu le temps de me former dans un établissement deux étoiles de Michel Sarran, toujours à Toulouse évidemment ! Maintenant, je suis à l’hôtel des Pyrénnées, un établissement historique de Mont de Marsan, étant donné qu’il a quasiment 100 ans. Récemment, on a même racheté un bar avec ma femme. C’est un projet complémentaire de l’hôtel, avec restauration traditionnelle sur formule du jour, puis bar à vin et tapas le soir dans un esprit festif. Cela s’appelle Au Bouchon et c’est ouvert depuis le mois de mai. Donc, aujourd’hui mon quotidien, c’est l’organisation de mes équipes pour assurer un service de qualité, tant au niveau de l’hôtel que de la restauration.
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